Bouts de bouts de rencontres en thérapie et ailleurs ...

Rien de spécial. Surtout.

© Benoît Dumont - 1er janvier 2024 - # Ailleurs

Le martinet (l’oiseau) vit la plupart du temps en l’air, il y dort aussi. En fait il ne se pose quasi jamais, sauf pour la nidification par exemple, qu’il dit le monsieur qui en sait.


Du coup, je lui demande quand ils ont décidé, les martinets, les oiseaux (que je précise pour rire mais le monsieur est concentré sur son sujet), de se poser pour la ponte. Est-ce après avoir fait quelques essais infructueux parce que nous, les humains, on avance surtout par essais-erreurs non ? (en fait, je lui dit pas mais cette affirmation me laisse sceptique).
Et le monsieur qui en sait s’est tourné courtoisement vers un autre convive avide de sacheries à replacer à l’occasion.

Moi, la coriandre j’aime ça, c’est parce que mon gène OR6A2, est plutôt dormant qu’ils disent les chercheurs qu’il m’a expliqué un autre monsieur qui en sait. Ils disent aussi que certains de ceux chez qui ce gène est surexprimé, trouvent un goût de savon à cette herbe. Certains autres disent même qu’elle a un goût de punaises écrasées (j’ajoute : les insectes, parce que les autres faut pas en manger, ça pique, et j’aurais pas dû, le monsieur me regarde étrangement).
Pour le goût de savon, je peux comprendre je lui ai dit, nous sommes beaucoup à en avoir goûté, ne serait-ce qu’en punition de nos gros-mots, mais qui diable a déjà gouté des punaises écrasées ?
Et le monsieur s’est éloigné en disant : « tiens, ont-ils prévu de la sangria, j’adore la sangria, ils en font des merveilleusement revisitées à Séoul ». J’ai compris que ce n’était pas une question, encore moins une invitation. Ca m’arrangeait.

Alors je suis resté là avec mes questions sur les martinets (les oiseaux) et la purée de punaises (les insectes). Comme souvent dans ce genre de soirée, j’ai froid et je transpire, un peu comme un pingouin dans le désert. C’est assez solitaire comme expérience. Pas que je n’aime pas la solitude mais je préfère être seul dans ces cas-là.
Alors je ne fréquente plus trop ce genre de soirées.

Rien de tel cette année, on n’avait rien à faire de spécial et des amis qui n’avaient rien de spécial à faire nous ont proposé de le faire ensemble, comme ça, à l’improviste, à quelques heures de ne rien faire de spécial séparément. C’était plutôt excitant, presque spécial, même si on avait décidé que ça ne l’était pas.
Et, au moment où le soleil fait un peu sa mauviette, se lève tard en faisant la tronche au point qu’on a envie de lui dire qu’avec cette tête il ferait mieux d’aller se recoucher et qu’on ne voit même pas qu’il est déjà retourné se coucher, trouver des amis joyeux et lumineux comme le printemps c’était cadeau, des amis avec qui on peut imaginer les multiples essais des martinets (les oiseaux) pour faire vraiment tout en l’air, y compris la ponte par exemple, en travail d’équipe il y a peut-être moyen, faudrait leur en parler, mais qui parle martinet ici, se questionner sérieusement sur le goût des purées de punaises (les insectes), se demander à quoi ressemble un speed-dating entre une punaise (l’insecte) et l’autre (celle qui pique et qu’il ne faut pas manger), imaginer le vol des martinets (les autres), par-dessus l’étang, qui s’en allaient vers le midi, la méditerranée, lalala... rire en tentant désespérément de faire au moins un selfie de groupe de punaises qui puisse témoigner du moment qu’on passe à ne rien faire de spécial ensemble mais en le faisant bien. Simplement.

Se dire au final, au bout de l’année, qu’il n’y a pas de balance à faire entre les belles choses - aussi belles que le vol du martinet, l’oiseau - et les choses crasses comme la purée de punaises, les insectes.
Les jolies choses vécues restent merveilleuses et les douloureuses n’en sont pas adoucies. Juste se dire que le monde est fait de gens qui aiment la coriandre parce qu’ils ont le gène dormant et d’autres ne l’aiment pas à cause de leur gène surexprimé. Se demander si entre dormant et surexprimé il existe quelque chose.. Enfin ce genre de choses, moi ça me fait du bien.

Je vous souhaite à tous, dormants, surexprimés ainsi qu’à toute la communauté des équilibrés génétiques une année d’étonnement, de curiosité avec plein de moments qui « à priori » n’ont rien de spécial.


[Aujourd’hui, l’écureuil ne fait encore rien de spécial et ça me fascine toujours]

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