Fragments
Des bouts de bouts de rencontres en consultations ..
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De quel bois se chauffer
par Benoît Dumont - 5 octobre 2022
L’autre soir quand elle est arrivée à notre rendez-vous, le temps était pluvieux, gris et plutôt frais. L’automne en somme.
(...)
Je sais que je devrais aborder la question avec mon époux mais les moments de calme sont tellement rares que je préfère ne pas les plomber .. et puis ça va encore faire une scène et ça me fatigue... je n’ai pas l’énergie ..
Préserver les moments qui restent confortables c’est assez compréhensible ...
Il y en a tellement peu ... et de moins en moins, de ces moments agréables ..
Et se pose la question du bois !
La question du bois ?
Je pensais au feu de bois que vous avez installé chez vous. Vous connaissez sans doute cette expérience, quand l’ardeur du feu diminue et que nous avons cette tendance à nous en rapprocher, c’est bien naturel et, plus le feu diminue, plus on s’en rapproche au point parfois de s’y coller pour profiter des dernières braises, profiter encore du confort et de la chaleur reposante qu’elles apportent ..
Ah oui je connais mais je n’aime pas du tout voir le feu s’éteindre et j’ai souvent la flemme d’aller chercher du bois ..
Mais oui, c’est très inconfortable d’aller chercher du bois, dehors, dans un froid plus froid encore que celui qui s’installe dans la maison, remettre son manteau, ses bottes, sortir .. c’est très inconfortable .. mine de rien, il faut un sacré courage !
N’exagérez pas, chez nous le bois se trouve dans le jardin, c’est pas loin et ça prend à peine 5 minutes ... c’est inconfortable mais pas insurmontable quand même.. il faut juste se lever et dire : "Bon ! Je vais chercher du bois".
Je vous imagine le dire 😉 ... Qui recharge le feu d’habitude ?
En général c’est mon mari mais parfois je n’attends pas qu’il ait froid ; quand moi j’ai froid j’y vais ! D’ailleurs ça le surprend quand je décide d’y aller sans lui demander de le faire, c’est drôle on dirait que ça le met mal à l’aise !
Ben oui, ça doit le surprendre quand vous montrez de quel bois vous vous chauffez non ?
De quel bois je me chauffe ! Exactement !
(...)
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Caresser l’idée
par Benoît Dumont - 14 septembre 2022
Elle s’enfonce dans le fauteuil :
Rien ne bouge dans ma vie ... Vous n’en avez pas marre de m’entendre parler sans cesse de mes envies ?
Quand vous parlez de vos envies vous dites souvent : « je caresse l’idée » n’est-ce pas ?
Et ?
Et je pense que le mieux qu’on puisse attendre d’une idée qu’on caresse c’est qu’elle ronronne non ?
C’est tout à fait ça ! Ma vie ronronne, je caresse les idées et je ne bouge pas !
vous voulez bouger, vous caresser l’idée de changer quelque chose et l’idée ronronne ..
Mais c’est une expression !
Une de vos favorites même ! Les expressions qu’on utilise ne sont pas de simples raccourcis linguistiques, elles vous posent un décor dans lequel on se retrouve instantanément ... Tenez, quand vous dites : « caresser l’idée » je suis plongé dans quelque chose d’apaisant, de doux, avec beaucoup de place pour l’imagination, pas d’urgence, pas de train à prendre ...
... et quelle sorte d’expression me ferait prendre le train ?
Je crois que vous avez un grand choix d’expressions en magasin, regardez bien dans vos rayons, elle doit se trouver quelque part entre « caresser l’idée » et « prendre le taureau par les cornes »…
... (rires) [Elle est assez spécialisée en expressions et nous nous amusons à en énumérer quelques-unes ... ]
....
Mais vous disiez tout à l’heure que « rien » ne bouge dans votre vie ?
.. ... C’est une expression !
On est d’accord.
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Pleurer de tout
par Benoît Dumont - 9 septembre 2022
C’est au coin d’une phrase d’allure anodine que l’attendaient les deux grosses larmes qui ont soudainement roulé sur ses joues.
Il tente de résister, de se reprendre mais rien n’y fait. Les larmes l’assaillent en groupe indiscipliné bien décidées à se faire remarquer.
Un petit moment passe par là, s’interpose, il en profite pour parler un peu :
Excusez-moi, je suis désolé …
Vous dites ça à vos larmes ?
?? non, à vous, à moi, je ne sais pas …
Quelque part dans ce dont vous parliez, au coin d’une phrase, il y avait ces larmes en embuscade … Elles vous ont surpris … Vous êtes à ce genre de coin de phrase où il est important de ne pas presser le pas malgré la surprise. Prenez votre temps.
Un autre instant, plus conséquent arrive accompagné d’un silence plutôt costaud. Les larmes se calment. Il inspire profondément puis souffle :
Woufffffffff ! Je ne sais pas ce qui s’est passé, cette émotion m’a submergé et je suis gêné … je ne vis tout de même pas un drame !
Ce n’est pas l’avis de vos larmes dirait-on. Ce qui n’est pas dramatique n’en est pas moins important et cette chose importante mérite qu’on puisse s’en émouvoir non ?
Ben, devant vous c’est gênant et vous devez vous dire que je suis bien sensible.
Aaah mais j’espère bien que vous êtes sensible à ce qui vous arrive et vous avez sans doute des bonnes raisons de ne pas vouloir pleurer devant n’importe qui !
On dirait qu’ici ça a été possible …
Comment dit-on déjà ? « On peut pleurer de tout mais pas avec n’importe qui … »
La phrase c’est : « on peut rire de tout ... » mais… je crois que ça marche aussi très bien avec « on peut pleurer de tout … »
Je crois bien aussi. Nous retournons à ce coin de phrase, faire connaissance avec ces larmes ?
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L’antillais
par Benoît Dumont - 6 septembre 2022